AfricaNews.Space: Longtemps considérée comme en retard, l'Afrique se tourne vers l'Espace avec ambition
Quelques jours après la clôture à Abidjan de la Conférence NewSpace Africa, "Business Africa", un magazine en ligne de "AfricaNews.space", s'intéresse aux raisons du tournant africain vers l'Espace, les ambitions du continent, les défis auxquels il doit faire face. Mme Rorisang Moyo, analyste de l'industrie spatiale pour Space in Africa, répond aux questions de Ronald Lwere Kato. Transcription.
Etat des lieux
L'Afrique se lance dans la course vers l'espace pour répondre à ses besoins scientifiques, climatiques et de communication. La demande satellitaire du continent croît rapidement en collaboration avec les puissances spatiales déjà existantes: 22 pays africains maintiennent des programmes spatiaux actifs et des dizaines de satellites africains sont déjà en orbite autour de la Terre.
Malgré des débuts modestes les ambitions spatiales de l'Afrique se sont accrues ces dernières années, les satellites étant de plus en plus petits et de moins en moins chers, un nombre croissant de pays africains accélèrent leurs programmes spatiaux, afin de servir leurs propres objectifs. L'économie spatiale africaine devrait atteindre 22 milliards de dollars d'ici à 2026.
En 2023 les pays ont alloué à ce secteur $539 millions, 272 entreprises effectuent des travaux liés à l'espace, ce qui représente 19,000 emplois. Signe que l'Afrique considère ce domaine comme stratégique, l'Union africaine a inauguré en janvier 2023 au Caire l'Agence Africaine de l'Espace. Les experts climatiques estiment que la demande de capacité satellitaire doublera d'ici à 2025 mais mettent en garde contre une diminution des investissements.
Entrevue avec Mme Rorisang Moyo
L'Afrique a d'énormes lacunes mais où les investissements devraient ils aller?
L'investissement devrait être dirigé en premier lieu vers le renforcement des capacités humaines. Nous devons nous assurer que nous disposons d'une industrie locale, de personnes capables. Le problème auquel nous sommes confrontés lorsque nous collaborons avec des nations spatiales plus puissantes [c'est que] le vide est normalement comblé par leurs personnels qualifiés et non par les nôtres.
L'Afrique arrive en retard. Quels sont les avantages ou les forces du continent?
En termes d'avantages nous avons notre population très jeune, une main d'oeuvre très importante. C'est d'ailleurs reconnu par l'Union africaine dans son rapport stratégique sur la politique spatiale (*). Par rapport à d'autres pays dont la population est plus âgée ou vieillissante, nous disposons d'une population jeune pouvant contribuer à la recherche en tant qu'ingénieur ou au développement des entreprises. Cette population jeune peut apporter beaucoup en termes de dialogue intergénérationnel, de pensées créatives ou de solutions.
Nous disposons aussi de vastes étendues de terres qui peuvent être utilisées. Avant d'envisager la construction d'un port spatial à Djibouti, nous pourrions envisager des lancements à partir de nos propres ports, ce qui reviendrait moins cher, engagerait nos entités privées.
Comment la base spatiale de Djibouti changera t-elle la donne?
Ce sera un changement très positif dans la mesure où la plupart du temps nous comptons sur les pays [étrangers] comme la France pour lancer nos satellites à notre place. Le problème c'est la fuite de cerveaux, quelqu'un se forme en Afrique mais ne peut pratiquer qu'ailleurs, et c'est pourquoi le port spatial sera chargé de la construction et du lancement.
L'Afrique collabore avec la Russie, la Chine, et les Etats Unis dans le cadre de ses programmes spatiaux, mais nous vivons dans un environnement mondial chargé sur le plan géopolitique. Comment les pays (africains) peuvent ils naviguer dans la politique mondiale sans nuire à leurs intérêts spatiaux?
En s'alliant avec un pays qui sert le mieux leurs intérêts. Ils ne doivent pas être impliqués dans les questions externes entre les puissances spatiales même s'il s'agit d'un problème auquel nous ne pouvons pas vraiment échapper car nous sommes soumis à de nombreuses contraintes financières et de ressources. Nous devons être très stratégiques, nous assurer que nous avons suffisamment de partenariats pour être des acteurs puissants car nous savons que nous sommes déjà à la fin de la course à l'espace mais nous essayons d'aller de l'avant.Le texte ci dessus est la transcription d'une émission en anglais d'Africanews du 11/05/2023 et sous titrée en français.
Titre original: "Africa readies for Space Industry Boom", Business Africa:
Autres liens
- Stratégie africaine de l'Espace, https://au.int/sites/default/files/documents/37434-doc-au_space_strategy_isbn-electronic.pdf
- Politique africaine de l'Espace, https://au.int/sites/default/files/documents/37433-doc-african_space_policy_isbn_electronic_.pdf
- NewSpace Africa Conference 2023, https://events.spaceinafrica.com/
- Space In Africa, https://africanews.space/
Autres éclairages
En 2019, Muriel Edjo publiait dans EcofinHebdo: "L’industrie spatiale africaine : un marché de 7 milliards $, en croissance et désormais rentable"
...Le dynamisme actuel du secteur spatial africain est reflété par la croissance de la fréquence des lancements. Il traduit la volonté d’indépendance de plusieurs nations africaines, leur désir de faire des économies dans l’amélioration de la couverture télécoms de leur territoire national, leur désir de profiter des opportunités d’affaires qu’offre le segment de marché des services satellites, longtemps monopolisé par des entreprises étrangères...https://www.agenceecofin.com/hebdop3/1912-72271-l-industrie-spatiale-africaine-un-marche-de-7-milliards-en-croisance-et-desormais-rentable
Selon un rapport sur l’industrie spatiale en Afrique publié en 2022, l’économie spatiale africaine en 2021 est évaluée à 19,49 milliards de dollars et devrait croître de 16,16 % pour atteindre 22,64 milliards de dollars d’ici 2026. Ce secteur emploie plus de 19 000 personnes à travers le continent. Les pays africains ont alloué un total de 534,9 millions de dollars à leurs programmes spatiaux respectifs en 2022, soit une augmentation de 2,24 % par rapport à 2021
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